Un rayon d' or naissant caresse ma fenêtre

Et tente vainement de me prendre au sommeil;

Un bégaiement d' oiseau frissonne sous le hêtre;

Le murmure de l' eau joue avec le soleil.

Oh ! laisse-moi dormir, importune lumière !

Il est si beau le rêve où s' enchantent mes pas.

Je longe, las d' amour, une pâle rivière

Et le vain bruit des jours, ici, n'arrive pas.

Oh ! laisse-moi dormir, de très lentes musiques

Ruissellent sur mon coeur, et d' enivrants parfums

Voltigent faiblement, tendres, mélancoliques,

Comme il neige des fleurs sur mes espoirs défunts...

Oh ! laisse-moi dormir ; en un lointain très pur

Des femmes me sourient, engageantes et nues

Et j' avance en chantant par un sentier très sûr...

Vers le secret bonheur des choses inconnues.

Ne me réveille pas au milieu de mon songe

La page que je lis, la plus riche peut-être,

Ne la déchire pas de ton brillant mensonge,

Méchant rayon d' argent qui filtre à ma fenêtre !

                                                                                   1925